« Conter la vie d'une personne équivaut à révéler les secrets de celle-ci, qu'ils soient sombres ou non, à ceux qui prennent le temps de l'écouter. »

Deucalion ouvrit les yeux. Ses pupilles d'un bleu cristallin se posèrent sur le ciel étoilé, et une brise fraîche vint doucement caresser son visage. Délicatement, il se releva, et observa autour de lui. Une petite troupe de personnes était là. Des bêtas, notamment. Il le sentait.

Auprès de ses pieds jonchait le corps d'un homme, tout de noir vêtu, le teint pâle et les yeux écarquillés. Deucalion ne sentait plus son pouls. Etait-il mort ? Pour sûr. Le loup s'accroupit et ferma les yeux du défunt d'une main griffue. Une lueur froide brillait dans son regard, mais un sourire se dessinait peu à peu sur son visage déjà marqué. Puis il se remit debout, regarda la dépouille et s'avança délicatement vers les quelques loups présents. Il les connaissait tous. C'était déjà, en quelque sorte, sa meute. Avant qu'il ne devienne Alpha. Ou il y en avait certains qui faisaient partis de la meute de celui qu'il avait combattu et tué.

Alpha.. Il sentait le pouvoir affluer en lui. Une certaine puissance autre que celle qu'il avait jusque là ressentie. Une puissance dominatrice. Il l'avait déjà en lui, ce pouvoir d'être celui qui domine, mais sa nouvelle force ressortait cela de manière plus significative. De manière plus menaçante.

Quelques loups-garous frémirent lorsqu'il passa près d'eux, mais Deucalion ne posa que quelques secondes son regard sur les concernés. Un regard qui avait viré au rouge vif. Puis il s'observa lui-même. Il était recouvert de sang et de blessures. Le sang... était à lui. Et à l'autre. Le combat avait été rude, douloureux et bestial. Mais le « jeune » homme l'avait remporté. De justesse, cela dit. Il avait failli y laisser sa peau et sa meute. Mais Deucalion ne se laisse pas faire, et ne se laissera jamais faire. Pour lui, sa « meute » est sa famille, sa seule et unique famille.

Puisque sa mère était morte à sa naissance, et qu'il venait de tuer son propre père.

L'un des loups de la meute de son paternel approcha. Il n'avait pas peur. Non. Mais il ne se soumettrait pas si facilement. Le nouvel alpha le savait. Le sentait. Mais il lui sourit.

«  Tu penses pouvoir nous mener comme ton père l'a fait ? T'es trop jeune. T'as pas assez d'expérience. »

Deucalion s'approcha. Posa sa main griffue sur son épaule Et serra. Le loup grimaça de douleur.

«  Ton nom ? »
« Marco. »

L'alpha relâcha son emprise, et planta son regard droit dans les yeux du bêta.

« Marco. Bien. Faut-il que je te montre de quoi je suis capable – même si tu l'as déjà vu puisque tu étais là lorsque j'ai tué ton alpha – pour être accepté en tant que tel ? Mais je n'ai pas eu besoin d'être un Alpha pour avoir une meute. Ou encore de prouver ma force de dominant. Ils me suivent tous volontairement, parce qu'ils ont confiance en moi comme je leur fais confiance. C'est... Une preuve que l'âge n'a pas forcément d'impact sur l'expérience. Je vous offre ma protection et mon aide. A tous. Si vous nous rejoigniez.»

Marco se tut. Et se renfrogna avant de hausser les épaules. Il retourna parmi les autres bêtas. Certains de ceux qui étaient avec son père s'étaient enfuis -pendant qu'il discutait avec Marco. Il n'en restait donc, au final, que 4. Ses trois compagnons de départ et Marco. Il sourit, avant de se tourner et d'avancer dans la sombre forêt, suivit de sa meute, laissant là le corps de son défunt père.

Beacon Hill, 2003.

« Tu es sûr qu'on peut la croire ? »
« J'en suis certain. Faites moi confiance. » répondit Deucalion, complètement calme et détendu, malgré la menace planant sur sa meute et sur deux autres, celles de deux alphas qu'il avait rencontré récemment alors que les Argent les poursuivait, après que l'un des bêtas de l'une des meutes « voisines » ait accidentellement tué l'un d'entre eux. L'un des bêtas d'Ennis, d'ailleurs, un Alpha au fort caractère mais ayant tout de même un assez grand cœur... A sa manière.

Ils étaient venus à Beacon Hill afin de demander conseils à Talia Hale, une puissante Alpha de la région. Deucalion la respectait pour sa sagesse et son savoir. C'est pourquoi il avait décidé de faire appel à elle. Bien qu'au départ, il n'était pas prévu qu'ils soient trois Alphas à la quémander. Mais soit, cela ne le dérangeait pas, bien au contraire. Il se sentait en quelque sorte... Moins seul. Car habituellement, il règne une certaine tension entre les meutes. Tension peu palpable présentement,  ce qui soulageait Deucalion. Il n'est encore qu'un très jeune Alpha, puisque cela fait à peine une dizaine d'années qu'il est « au pouvoir ». Il sentait que les deux autres Alphas présents l'étaient depuis plus longtemps. Mais comme il l'avait déjà dit, les années ne font pas forcément l'expérience. Lui est un Alpha à sa manière, respecté et craint à la fois. Il sait se montrer violent quand il le faut, et reste digne en toute circonstance. Sa meute – hormis Marco – ne lui a encore jamais fait de remarques sur sa manière de les mener, et n'ont jusque là jamais tenté de prendre sa place.

Deucalion réfléchissait. Comment pourraient-ils convaincre les chasseurs que le meurtre de l'un d'eux était involontaire ? Il faudrait dans tous les cas que ce soit lui qui aille tenter de faire la paix. Car le loup sentait que du côté d'Ennis et de Kali, ils perdraient l'objectif premier de vue. Il faut savoir que les ennemis premiers des loups-garous sont les chasseurs, et ces deux alphas n'avaient pas la mouche à l'oeil. Ni mais il se sentait plus apte à accomplir cette tâche. Il avait eu l'occasion de voir comment Kali et Ennis réagissaient. Kali était d'une certaine cruauté
et Ennis imprévisible, soupe-au-lait et bagarreur. Tous les deux n'auraient certainement pas tenu si les Argent se seraient mis à les provoquer, tandis que Deucalion était plus calme, moins enclin à répondre aux provocations facilement. Ou alors à provoquer d'une certaine manière plus subtile. D'abord commencer par la diplomatie. C'était l'un des principes du Loup-Garou. Dans tous les cas, il le faut bien, s'ils veulent éviter de se faire massacrer. L'homme n'était pas dupe : s'ils commençaient à s'entre-tuer, la bataille ne se finirait pas, ou bien par un match nul.  C'est-à-dire.. Tout le monde hors d'état de nuire. Et c'est justement le massacre qu'ils voulaient éviter.

Les trois meutes se retournèrent en même temps au moment où une louve aux longs poiles noirs entra dans la grange, pour se transformer par la suite en une très belle jeune femme aux cheveux noirs. Talia Hale.

Ils commencèrent donc à discuter avec elle pendant une heure, voire plus, de ce qu'ils devaient faire. Malgré tout, même si Deucalion lui faisait intégralement confiance, il savait ce qu'il fallait faire. Sa foie en autrui le mènerait sans doute à la perte, mais il fallait essayer : qui ne tente rien n'a rien. Et de toute manière, elle proposa d'elle-même qu'ils tentent un pacte de paix avec les chasseurs.

C'est donc quelques semaines plus tard que Deucalion et sa meute se retrouvèrent dans une usine à Gaz après avoir donné rendez-vous à Gerard Argent. L'alpha sentait depuis le départ le piège, depuis que le chasseur leur avait donné rendez-vous dans ce lieu. Et il avait bien dit aux deux autres meutes qu'il s'en occuperait. Il se retrouvait donc seul avec ses quatre bêtas face à un adversaire sans aucun doute redoutable, qui apparut par la suite très vite après qu'ils soient arrivés sur le lieu de rendez-vous. Deucalion n'avait aucune arrière pensée derrière son envie de faire la paix avec les chasseurs, puisqu'il le voulait réellement. Néanmoins, Gérard Argent ne vit pas cela du même œil, et leur avait tendu une embuscade.

Le Loup-Garou n'entendit pas ce que lui dit le chasseur, mais il savait qu'il s'était foutu dans de beaux draps, lui et ses compagnons. Le vieil Argent leur montra une batte dentée puis déclencha  les bombones de gaz qui firent tousser toutes les personnes présentes, les aveuglant par la même occasion. Gérard tua ses « gardes du corps » venus pour le protéger avec la batte en question et s'avança vers l'Alpha, de manière menaçante, et commença à le tabasser alors qu'il ne pouvait pas se défendre. Deucalion gémissait de douleur à chaque coups donnés par le Chasseur. Il s'était attendu à un piège, mais pas à ce que le vieil homme décime ses compagnons et le tabasse lui, alors qu'il n'avait strictement rien fait, et qu'il ne les avait même pas écoutés. Deucalion avait été sur ce coup là bien trop naïf..

Il réussit à échapper aux coups et sortis en rampant de l'usine, en gémissant à chaque avancée. Mais il se fit bien vite rattraper et il reçut un coup de pieds dans l'estomac qui le retourna, tout en lui coupant le souffle, tandis que Gérard se mettait à califourchon sur lui avant de lui enfoncer des barres métalliques électrifiées dans les yeux. L'alpha hurla à pleins poumons, se cambrant sous la violence de la douleur et du coup. Il se débattit mais rien n'y fit : le chasseur lui crevait les yeux tout en le torturant. La souffrance était insupportable, et ses hurlements ne cessèrent pas, bien que sa voix commençait à lâcher, tout comme ses forces. Instantanément, il perdit connaissance, ne pouvant en supporter plus.

Lorsqu'il se réveilla, ses bêtas – sauf Marco, il le sentait- le traînaient quelque part. Il gémissait douloureusement et sentait le sang couler de ses yeux. Mais il ne voyait plus rien, et tremblait de tout son corps. Il faillit s'écrouler mais on le retient de justesse. Il entendit des pas précipités et une voix qu'il connaissait vaguement : celle du docteur Deaton, un émissaire. On le fit s’asseoir et Deaton commença à soigner ses yeux. La douleur commençait à s'atténuer et il put se concentrer convenablement sur ce qui l'entourait et sur ce qu'il ressentait. Il savait que Kali et Ennis étaient là aussi. Et il ressentait une haine et une colère féroces naître en lui. Il avait été bête de croire qu'il aurait pu « pactiser avec le diable ». Il aurait laissé Ennis ou Kali y aller, ça se serait certainement mieux fini. Ou pas.

Après que le docteur l'eut « soigné » physiquement, il se leva doucement. Il tremblait et tenait à peine sur ses jambes. Gérard l'avait considérablement affaiblit. Puis il tapa fortement contre la table qu'il avait ressentit derrière lui en grommelant.

« Laissez-moi seul. » ordonna-t-il sèchement à l'assemblée qu'il savait présente.
Tout le monde partit, assez déconcerté par la froideur peu habituelle de l'Alpha. Enfin, tout le monde lui obéit, sauf une personne : Marco.

« J'ai dit : laissez-moi seul. »
« Mais tu es seul. » lui répondit le loup, en s'avançant vers lui.

Deucalion sentait la menace émaner du bêta. Il voulait lui prendre la vie ? Qu'il essaie. Il ouvrit douloureusement ses yeux fermés sur des orbites blanches. C'est ainsi qu'il activa sa vision de loup,  et put éviter le coup que voulut lui asséner Marco, avant de se jeter sur lui dans un excès de colère et de le lacérer jusqu'à ce qu'il meurt.

S'il avait demandé à la base – ou plutôt ordonné- que tous sortent, c'était bien pour éviter de se défouler sur eux. Mais Marco l'avait cherché. Il voulait prendre sa place ? Il aurait fallu qu'il soit plus fort. Aveugle, peut-être, mais Deucalion a encore tous ses autres sens en activité. Puis, tremblant, il se laissa tomber sur le sol et observa ses mains – d'une certaine manière- et il sentit une nouvelle force l'envahir. Sa vue baissa de nouveau et tout devint sombre. Il crut perdre encore une fois connaissance, mais il sentit des mains le soulever et passer son bras autour de son cou. Il fut sorti de la salle dans laquelle il se trouvait et retrouva bientôt l'air frais de dehors. Bien qu'il ait reçu une nouvelle force en tuant Marco, il n'avait pas récupéré de force, bien au contraire. Sa crise l'avait d'avantage affaibli, et il entendit à peine ce que l'un de ses bêta lui dit. Néanmoins, il se sentait comme... Libéré.

«  Tiens bon Deucalion. On va rentrer et tu te reposeras le temps qu'il faudra. »

Tenir bon.. C'était facile à dire. Mais pas à faire. Il ricana face à l'ironie de la situation, puis se sentit tomber mollement sur le sol et s'évanouir.

Quelques jours plus tard, il se réveilla, encore quelque peu affaibli du fait d'avoir dormi plusieurs jours d'affilé sans manger. Ses bêtas étaient présents, mais il ne les voyait pas. Cela le frustrait. Du moins, s'il voulait voir, il lui faudrait activer sa vision de loup. Et elle est bien plus efficace dans les endroits sombres que dans les endroits clairs. Il se leva doucement, et quelqu'un lui mit dans la main une canne. Il murmura un faible merci.

Il se souvint soudain de la sensation ressentie lorsqu'il avait tué Marco, et mis sa main devant son visage. Il discernait les formes, sans les voir distinctement. Il activa alors à moitié sa vision de loup et observa celle-ci plus attentivement et sortit ses griffes.

« .. Deucalion ? »

Ses bêtas se demandaient quoi. Quoi de plus normal, après tout. Il ferma ses yeux invalides puis les rouvrit, les sourcils froncés. Et se décida enfin à dire ce qu'il avait à dire.

« Je ne pense pas que j'aurais pu avoir une meilleure meute que celle que j'ai déjà. Même si je fais preuve d'une grande faiblesse physique ces derniers jours suite à mon échec face au chasseur, vous êtes restés là et vous n'avez pas tenté de me tuer – si c'était le cas, je serais mort -. Je vous remercie donc de me faire confiance et d'être à mes côtés. Vous serez toujours ma force. »

Sur ces mots, il leur jeta une expression désolée et se mit en position offensive, avant de se jeter sur eux rapidement et de les égorger de façon à ce qu'ils ne sentent pas la douleur. Ils n'eurent même pas le temps de réagir.

Après quoi, l'Alpha sentit un gros frisson le parcourir, ainsi que le pouvoir affluer dans ses veines.. Il ferma ses yeux et se laissa tomber. Bien qu'il eut fait cela pour assouvir sa soif de pouvoir, il se sentait quelque peu déstabilisé. Cela dit, la dernière phrase qu'il avait formulé était vraie : sa meute serait à tout jamais sa force.

Puis il reprit sa canne et se releva. Il comptait aller voir  Ennis et Kali. Il avait une idée, mais pour cela il lui faudrait convaincre ces deux alphas. Bien que plus « jeune » côté alpha, il savait qu'il était plus puissant qu'eux. Il savait qu'il était fort et le devenait chaque fois qu'il prenait la vie à un loup. Il savait qu'il se transformait peu à peu à un loup-garou plus puissant que les autres, à un alpha supérieur aux autres alphas. Il était fait pour mener. Mais pas pour mener des faibles. Même si sa meute était loin de l'être.

Les semaines passèrent, et depuis le massacre de sa meute, l'homme tentait de retrouver un « minimum » de sa « vue » grâce à ses sens de loup, et à sa vision infrarouge. Il s'entraînait sans relâche, se mettait à se déplacer pour reconnaître les lieux à leur odeur, à leurs formes etc, si bien qu'il put se battre facilement et tuer d'autres loups qui se mettaient sur son chemin. Qu'ils soient alpha, bêta ou omega,  se transformant en « démon-loup ». Maintenant, il n'aurait plus aucune pitié envers ceux qui se mettraient sous ses pieds. Et ce sera toujours « diplomatie » - bien qu'avec menace si besoin- avant la violence pour avoir ce qu'il veut. Enfin... Toujours. Avec quelques exceptions. Il se vengera coute que coute de toute manière. Même aveugle. Il ne faut surtout pas sous estimer un handicapé, surtout lorsque la colère et la haine font de lui quelqu'un de dangereux.

Peu après, il réussit à allier Ennis et kali à sa cause et ceux-ci tuèrent leur meute ainsi que leur émissaire sous les ordres de Deucalion. L'émissaire de l'Alpha des alphas avait par ailleurs disparu depuis quelque temps... Une certaine trahison qu'il ne lui pardonnerait pas facilement. Il trouva également des jumeaux, deux omegas, Ethan et Aiden, qu'il entraîna pour qu'ils puissent ne former « qu'un » pour battre leur alpha et détruire leur meute, les transformant ainsi en Alphas et les « adoptant » dans sa meute uniquement composée d'Alpha.

Ils restèrent donc en retrait quelques années durant mais Deucalion ne cessait de surveiller les potentielles recrues qui pourraient rentrer dans sa meute, même en n'étant pas à Beacon Hill. Dont ce très cher Derek Hale qu'il avait déjà croisé par hasard des années auparavant. Il sut que le seul moyen de le faire plier n'était pas la diplomatie. L'alpha des alphas était loin d'être assez naïf pour vouloir tenter de le faire. Il changea donc ses principes et utilisa d'abord la force, en montrant que lui et sa meute d'alphas étaient là dans un premier temps, puis en s'attaquant à sa meute. Dans tous les cas, pour rejoindre sa meute, Deucalion l'obligera à prendre la vie de l'un de ses compagnons. Il enleva par ailleurs deux d'entre eux pour le faire réagir... Pour Les faire réagir.

Vous savez ce qui fait que les alphas lui obéissent ? Sa puissance, son intelligence, sa loyauté et aussi, sa dangerosité. Deucalion est respecté et craint. Ceux qui le trahissent goûtent à sa colère, et elle n'est pas à prendre à la légère. Et quand il veut quelque chose... Il fait tout pour l'avoir.